Continents et Territoires
Le sujet du jour est le Kronos Quartet.
Je kiffe les explorateurs, des gars qui ont envie de débroussailler la carte, remplir les trous et puis surtout ne pas savoir où ils vont et avec quoi ils reviendront.
Discuter avec des fans de musiques sur lesquelles je ne connais que couic est un long voyage, la découverte de pôles, l’incursion dans des territoires occupés.
Côté musique classique, ma connaissance reste basique. C’est un plaisir d’écouter cela avec un connaisseur, un explorateur. Enfile ton casque, on descend dans la mine.
Les variations sont infinies entre les interprètes, les chefs d’orchestre et les solistes. Cela revient à poser le pied sur un nouveau continent , à découvrir une carte mystérieuse.
Voilà un peu la gueule de ce genre de cartes :
Avec les fans de musique classique, après une écoute attentive, je m’amuse à lancer certains sujets casse gueule, borderline. Dodécaphonisme ? « oui Schönberg, ça tient la route… ». Webern, Berg ? « Passe encore… ».
Allez encore une effort, Varèse, Ligeti, Bério, Boulez ? « Désolé, je ne comprends pas, ca me gonfle ce genre de trucs… » Il ne me voit pas venir, mais ca va clasher.
Et Cage, La Monte Young, Feldman, Brown ? « Fumistes ! ça n’est pas de la musique… » c’est lui qui se met à fumer
Je garde l’estocade avec les minimalistes, en souriant : Reich, Glass, Adams, Gorecki, Riley, Pärt ? « C’est du easy listening cette merde, dix fois la même note, des accords, foutage de gueule…. » bon je passe sous silence Xenakis, Stockhausen and co, histoire de ne pas gâcher cet apéro musical.
Renouvelez cet échange avec un fan de Stevie Vai, en lui parlant de l’influence des pionniers techno de Detroit, résultat identique garanti…
« Tu ne peux savoir tant que tu n’as pas goûté… je t’assure que c’est bon, je te promets que ça ne fait pas mal… »
Le cœur aventureux est une qualité rare.
https://youtu.be/h0NwiTHIhGM
Kronos Quartet
La quatuor à cordes de San Francisco, avec ses 44 ans d’existence au compteur, affiche une santé de fer. Dès le démarrage, le cœur aventureux était là. En écoutant « Black Angels » de G.Crumb, David Harrigton a eu une révélation. Kronos Quartet était né, un groupe plus porté pas la géographie que par l’histoire.
Certes, ils ont enregistré des Bartok, Webern et Schnittke, mais ils se sont engouffrés dans les créateurs contemporains, des relectures du jazz, du rock et du tango avec Astor, ont revisité les musiques du monde, ont transfiguré les bandes originales de films.
Ces explorateur m’ont ouvert un continent exotique, qui se révélait plus immense le lendemain que la veille.
Il y a eu cette grosse claque dans la gueule avec Steve Reich et ce 3ème mouvement, le monde est infini :
et puis ce disque immense ouvrant le champ des possibles « Winter was Hard », au programme Sallinen, Riley, Pärt, Webern, Lurie, Zorn, Piazzolla, Schnittke, Barber :
Puis cette folie de Terry Riley :
Ou encore les loops de Philipp Glass pour « Mishima » :
https://youtu.be/HjgCQTulrA0
Plus de 40 ans sans férir, Kronos Quartet a toujours eu à cœur de défricher, d’enseigner, d’ouvrir les sens, de déflorer et de démocratiser les jeunes compositeurs. Du pain sur la planche, du plein sur la tranche, mais toujours à dévorer.
Réponse d’Harrigton à Eric Dahan :
« Avant de quitter David Harrington, on lui demande pourquoi le quatuor ne joue plus jamais Beethoven ou Schubert. Il répond : «Je n’y peux rien, je découvre tous les jours des nouvelles œuvres et je suis magnétisé. Quand on marche dans la rue, on voit bien que la vie surgit des failles, que les herbes poussent entre les pavés. Je suis grand-père et je veux que le monde de demain soit le plus beau possible pour mes petits-enfants. Le mieux que je puisse faire, en tant que musicien, c’est de travailler avec ces jeunes, créatifs et brillants, dont je reçois les partitions chaque jour. Je n’ai plus le temps de jouer Mozart et Schubert. Ce qui m’intéresse, c’est de trouver le Mozart, le Schubert et le Hendrix de demain.» »
Le Kronos quartet est un coffre aux trésors sans fond.
SURPRENDRE, encore et toujours
Le Kronos Quartet n’est jamais là où tu l’attends.
Preuve en est… Depuis ce vendredi un nouvel album est disponible : « Folk songs » avec d’autres artistes maison Nonesuch Sam Amidon, Olivia Chaney, Rhiannon Giddens, et Natalie Merchant.
Au programme, réinterprétation contemporaines de classiques Folk ou de compositions plus récentes, avec le concours des plus belles voix américaines.
La merveilleuse Natalie Merchant reprend ici la standard « The butcher’s boy », terrible histoire d’un amour déçu, d’un amour interdit, qui finira pendu, avec la preuve de son engagement dans la tombe :