JOUEURS DE FLûTE ET passeurs
Je fais partie de ceux qui considèrent les joueurs de Flûtes comme des passeurs, passeurs entre le monde des vivants et celui des morts. Allez savoir, j’ai peut-être été trop biberonné par la fable glaçante d’ Hamelin, Sympathy for Mr.Vengeance.
Pourtant martyrisé dès le plus jeune âge (comme tous) par la flûte à bec qui m’a valu quelques colles, je ne lui en tiens pas rigueur, bien au contraire.
Cet instrument m’a toujours fasciné, sous toutes ses formes : traversière, ney, kaval, piccolo, shakuachi… Cet instrument élégant te décolle la tête et fait s’envoler ton âme perdue. Hors de ce corps ! Bienvenue dans une zone où tes pieds ne touchent plus le sol…
Après No Sax Last Night, Chronique d’un fifre qui se rebiffe.
Naïssam Jalal
Naissam Jalal est une flûtiste d’origine syrienne. Avec ses Rhythms of Resistance, elle a fourni deux albums “Osloob Hayati” et “Almot Wala Almazala” (« la mort plutôt que l’humiliation »). Entre musique orientale et jazz, la flûte jour parfaitement son rôle hypnotique et enivrant. Le dernier album est un des trucs les plus plus bluffants que j’ai écouté ces derniers temps :
JEREMY STEIG
Sure Shot, c’est le grand écart avec ce beau gosse de Jeremy Steig. Il a prêté sa flûte pour de nombreux disques. En 1969, il sort l’album « Legwork » sur lequel figure « Howling for July », popularisé par les sales gosses de Brooklyn, un souffle et un sens de l’attaque rares :
JIM HORN
Voilà un gars qui porte bien son nom, Jim Horn joue de multiples instruments à vent. A la flûte, on retiendra sa contribution discrète pour « Pet Sounds » des Boys, « Strangers in the Night » de Frankie (non?, ben si), « Light my fire » de Feliciano,…
Mais surtout, l’intro de Canned Heat, c’est Jim :
BOBBI HUMPHREY
Qu’est ce que j’ai pu t’écouter Bobbi, et c’est toujours aussi bon, comme au 1er jour. Tu es l’incarnation de l’instrument (Flûte=Bobbi), Quel swing ! Tu as illuminé Blue Note avec tes lèvres.
KUDSI ERGÜNER
Istanbul, je dévalise les marchands de toutes les K7 qui portent ton nom, je te revois quelques années plus tard à l’Opéra, puis de nouveau chez Gatlif.
Kudsi Ergüner est un incontournable, c’est un maître du ney. Soufi or not Soufi ?
La drogue, c’est light à côté de çà
MICHAEL PARIS
Très souvent siffloté, en admirant la richesse du spectre lumineux alors qu’il faisait déjà nuit noire, on doit à Michael Paris d’être le flutiste de chez Sweet Smoke. Ces gars de Brooklyn sont partis s’exiler sous le ciel teuton, idée fumeuse ou visionnaire. Ich bin ein Berliner
« Baby Night » aurait pu devenir un hymne national batave, ou un hymne transfrontalier pour les narco-touristes traversant les polders, c’est surtout, pour partie, une reprise de Jeremy Steig cité plus haut et le rollercoaster de la flûte :
HERBIE MANN
Inévitable également, le grand Herbie a posé les bases de l’utilisation de la flûte dans le jazz. il m’était impossible de résister à la tentation, à savoir ne pas partager cette pochette : toute en flûte et en poils (épaules incluses).
Duane Allman l’accompagne à la guitare, un bijou :
https://youtu.be/AIsnM_DbNKQ
Vous ne partirez bien pas sans écouter cette reprise de Marvin, idéale pour un réveil tendre et peut-être torride, ou encore cet hypnotique sortie de maison close ici.
HUBERT LAWS
Qui dit Herbie dit Hubert ( à moi le marketing !). Qu’il est difficile de choisir un morceau d’Hubert Laws, tant il a exploré des territoires variés avec son instrument. J’ai retenu un titre funky pour mes vieilles canailles, ici avec sa fille Debra, a Family Affair et une superbe pochette :
JOHN PAYNE
Sideman, John Payne a prêté son sax et sa flûte à de nombreux enregistrements, mais c’est avec Van Morrison qu’il va laisser une trace indélébile dans l’histoire du pipeau, sans lui « Astral Weeks » ne serait pas « Astral Weeks ». De petites touches qui ont fait un grand effet sur le résultat final :
JERRY EURBANKS
Morceau fétiche d’un de mes groupes préférés, Jerry Eurbanks assure cette intro inoubliable d’un morceau qui l’est tout autant, aussi marquant que Jim Horn. MTB, ma pollution diurne :
SHONA BROWN
Glasgow, Mogwai fait partie des ces groupes à qui il faut laisser de la place pour passer leur son ample, très ample. A 13 ans (sic), Shona Brown est conviée à s’immiscer entre les scottishs pour mettre un peu de douceur dans ce monde de brutes. Thank You Satan, et au milieu coulait une flûte :
RAY THOMAS
Son solo ne dure même pas une minute et pourtant tout le monde l’a en tête, un ange passe en sifflotant, retour sur une literie glissante :
EDOUARD LABOR
Multi-instrumentiste guadeloupéen, Edouard Labord va avoir ses 15 minutes de gloire avec sa contribution « So flute » pour le compte de Ludovic Navarre, mes baskets s’en souviennent, époque dorée où l’on pouvait encore danser sur les comptoirs, sans demander la permission :
https://youtu.be/r7YZqD7dZcQ
JOHN PAUL JONES
L’homme de l’ombre, la tâche ingrate du bassiste qui joue du pipeau, John Paul Jones utilise un Mellotron sur scène pour restituer une fausse flûte, enfin une flûte absente (à ne pas confondre avec un procédé bien différent sur disque). Un jour, l’autre John Paul, John Paul Pettigrew vous parlera de ce Mellotron et de son impact sur le post-modernisme (c’est promis) :
FLORIAN SCHNEIDER
Pour terminer en pied de nez, une de mes idoles, Florian Schneider, la moitié de Kraftwerk dans une utilisation diabolique de la flûte.
Allez, Ruck Zuck :
C’était long, hein ? Mais je vous ai épargné Ian Anderson…
La prochaine fois on parlera d’une autre de mes passions, le Doudouk
En vous remerciant